Gourmandise éphémère aux saveurs végétales d'artichaut, d'herbe coupée ou de poivre vert, l'huile nouvelle conserve environ deux mois ces arômes très verts, avant de s'adoucir.
Samedi 4 décembre, les jarres de l'huile fraîchement extraite, en provenance des dix moulins de la vallée de Baux, qui bénéficie d'une appellation d'origine contrôlée (AOC), convergeront à Mouriès pour un baptême traditionnel, ouvrant deux jours de marché où sont attendus "entre 10 et 15 000 personnes", selon Christian Rossi, moulinier et représentant de l'Afidol (Association française interprofessionnelle de l'olive).
Cette manifestation sert de "porte d'entrée dans la saison" pour les Baux, premier bassin oléicole français avec 422 000 oliviers, dont 230 000 participent à l'AOC", l'une des cinq en France, explique Christian Rossi.
Forte de sa typicité en goût, provenant des quatre variétés d'olives cultivées et du savoir-faire ancestral de fabrication, l'huile des Baux "se compare, en vin, avec un bon Châteauneuf-du-Pape, voire avec un Château Yquem", estime Jean-Pierre Lombrage, président du syndicat interprofessionnel de l'olivier de la vallée des Baux.
Produit de luxe alors, l'huile des Baux? "A plus de 20 euros le litre, les gens ont l'impression de payer trois fois trop cher", se désole Jean-Pierre Lombrage qui fait valoir "qu'on en utilise trois fois moins que de l'huile d'olive de grande surface tellement elle est parfumée". Il rappelle que le prix de revient en France représente environ les deux tiers du prix de vente.
"Quand mon grand-père vendait un bidon de cinq litres en 1955, il pouvait se faire faire une paire de chaussures sur mesure à Arles : ça coûtait déjà cher à l'époque!", s'exclame Jean-Pierre Lombrage.
Dispendieuse à la vente, l'huile d'olive n'est pas le sésame pour la richesse de ses producteurs : sur les 2 300 que compte la Vallée des Baux, seuls 25 ne vivent que de ça, 150 ont d'autres productions (foin, vigne, fruits, etc), les autres étant médecin, employé de la Poste, retraité, tous attachés à une tradition de culture de l'olivier.
Propriétaire de 8 000 arbres dressés aux alentours du mas de Vauderet, niché au coeur du massif des Alpilles, Edith Waton-Chabert mise sur son label d'agriculture biologique pour attirer une clientèle particulière. "Il y a ceux qui ont les moyens - les professions médicales et paramédicales, les métiers de bouche -, mais aussi des gens humbles qui cherchent le goût et se font plaisir et pour qui on étale le paiement", raconte l'oléicultrice.
Selon Jean-Pierre Lombrage, ces personnes qui font des "sacrifices" pour acheter de l'huile de très haute gamme et la consomment "par tradition" forment encore 70 % des consommateurs, les 30 % restants étant les gens qui redécouvrent l'huile d'olive française, disparue des tables après le grand gel de 1956 qui a tué 98 % des oliviers.
"Deux générations n'ont connu que l'huile espagnole ou d'arachide. Il faudra sans doute au moins une génération pour retrouver le chemin de la française et en connaître les grands crus", estime Christian Rossi. |